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3 juin 2014

 

 Des petites victoires.

 

 J'ai envoyé les cartes de mon site Ã  trois professionnels. Ces trois personnes m'ont contactée après lecture de ma lettre et de mon site:  ma gynécologue en ville ( début de grossesse), la gynécologue de la clinique (à partir du cinquième mois jusqu'à l'accouchement et enfin en charge de la lecture des resultats du l'autopsie) et la directrice du pôle mère enfant de la clinique. Je vous raconte.

 

 

Rencontre avec la gynécologue de la clinique:

 

Sa démarche de venir à ma rencontre dans mon quartier m'a beaucoup touchée. Une situation quelque peu étrange. Nous étions toutes les deux sur un banc au parc. Pas de grand bureau intimidant entre nous deux ni de matériel médical anxiogène, juste un échange d'expériences praticienne/patiente. A mes côtés, à la fois une gynécologue disposée à discuter de certains aspects de la pratique de son métier dans les cas de mort fœtale in utero et une femme sensible et humaine prête à répondre à toutes mes questions pour clore l'histoire d'Auguste, enfin.

 

Elle a lu et relu mon site. Jamais, je n'aurais imaginé qu'elle prendrait le temps de s'y atteler. C'est très fort pour moi d'apprendre cela. Elle a en tête tous les points qu'elle souhaite aborder avec moi. Ce n'était pas une lecture en diagonale. Elle a aussi appris la fausse couche qui venait de briser mon espoir d'une revanche imminente sur la vie.

 

J'ai réalisé au fil de la conversation que je n'avais pas essayé de la contacter personnellement plus tôt. J'avais appelé les urgences lorsque la montée de lait était très douloureuse mais c'était le soir. Elle n'était pas à la clinique. Je n'avais pas insisté auprès de l’établissement déçue par la réponse ce soir-là. J'avais laissé ce rôle à ma généraliste.

 

La sortie ?

Elle pense revoir la prise en charge de la patiente après sa sortie de la clinique en la contactant dans la semaine qui suit pour connaître son état physique et psychologique et pour savoir si un rendez-vous est nécessaire. C'est une vraie bonne chose. Encore une maman m'a contacté hier démunie face au vide : pas de rendez vous, un retour à la maison avec juste rien ! Ni bébé, ni soutien. Un projet brisé et des démarches administratives d’interruption du processus de maternité à faire seule.

 

L'annonce ?

Elle m'a demandé comment j'aurais préféré que l'on m'annonce l'impensable cette nuit-là. Elle, elle avait été très bien dans ses interventions, mais cette nuit-là, c'était son collègue qui avait déclaré froidement la mort de mon bébé. Elle me le rappelle : leur métier, c'est soit des moments merveilleux d'histoires de vies qui commencent, soit des moments tragiques de fin d'un projet qui vole en éclats et de vies qui s'arrêtent.

 

Clairement, sans avoir de phrase toute faite en tête, je lui ai dit ce qui m'avait manqué : préparation, présence, preuve et compassion. Son collègue avait vite quitté la salle, ne m'avait pas préparée à entendre son annonce et n'avait pas montré l'homme caché à l'intérieur du médecin. Il avait été dans l'incapacité de répondre à mes questions («Est ce que le bébé s'est retourné ? Â» « J'ai pas fait attention Â») Je n'ai pas vu l'image sur l'écran pour me prouver ce qu'il avançait. Je parle d’expérience maintenant après une fausse couche, car je suis ressortie de l’hôpital avec l'image de l'écho de mon utérus vide, sans embryon, c'est tout simplement la preuve de ma fausse couche dans ce type de processus interne, caché. Alors, cette étape était pour moi nécessaire. Je me souviens du coup de fil à mes parents, mon père me criant, «ils sont sûrs au moins ? ils ont fait d'autres examens ?? Â» et moi de lui répondre « j'en sais rien Â» tout en sentant le cachet d’anxiolytique dans ma gorge en me disant que peut-être que ce monsieur s'était trompé et qu'on allait empoisonner mon fils avec des médicaments pris trop vite sans réelle preuve.

 

L' attente pour les résultats de l'autopsie ?

Deux choses sont ressorties : le rappel de délais pour d'autres couples encore plus long et la réalité du grand nombre de patientes gérées par un même médecin qui amène parfois à ce que notre dossier soit oublié dans une pile. Les responsables des autopsies ne sont jamais en contact direct avec les parents qui attendent désespérément les résultats alors ils ne ressentent aucune pression. Elle avait reçu le dernier volet des résultats mais la conclusion restait inchangée « résultats à confirmer avec les prochaines analyses ..blablabla». Une histoire pitoyable de copier-coller qui avait énervé ma gynécologue. Au fil des jours, l'histoire a traîné et nous, nous attendions.. Ma lettre a permis de remettre mon dossier au dessus de la pile mais le texte n'a pas été modifié. Le service d'autopsie qui n'est pas à la clinique n'a pas l'air pressé de corriger cette erreur. Cela montre malheureusement le manque d'intérêt porté aux parents en attente de résultats d'autopsie.

 

Préparer les patients ?

De nature optimiste, elle se sent incapable d'énumérer les problèmes possibles à chaque trimestre de grossesse. Je lui ai dit que pour nous, les problèmes de cordon relevaient du domaine des légendes urbaines tant cela reste tabou. J'aurais aimé qu'on me rappelle que tout peut arriver mais c'est une question de personnalité. Elle souffre déjà de devoir montrer les documents de la recherche de la trisomie 21 alors que le couple sort soulagé de la première écho avec plein d'espoir et de joie. Avant une opération, on vous explique le différents cas de figure jusqu’à la possibilité du décès. La grossesse ne devrait pas être différente mais c'est un avis personnel.

Je reviens sur l'épisode du « Â«baby boom Â» dont je vous ai déjà parlé. Très vite le couple endeuillé est éliminé du programme. Aucun commentaire n'est fait sur le deuil périnatal. Je ne veux pas dire de filmer ce couple en détresse mais au contraire de faire un bilan sur ce tabou et sa prise en charge dans l'émission. Dans l'inconscient collectif, la mort fÅ“tale in utero en fin de grossesse prendrait place dans le domaine du possible et du réel. Ainsi, le film « retour à zéro Â» sortirait et l'émission sur le deuil périnatal des Maternelles ne serait pas obligée de s'intituler « le Bébé d'après Â». Que font les femmes qui n'en auront plus. Alors elles ne rentrent pas la normes et ont de quoi devenir folles !

 

Le protocole de l'accouchement par voie basse ?

Elle me voit encore en train de la supplier de pratiquer une césarienne. Elle n'a aucun regret et me redonne l'argument de la joie que j'aurais de pouvoir accoucher la prochaine fois par voie basse. Je ne peux pas me projeter mais je lui fais confiance. Elle a plus d'expérience que moi dans ce domaine.

Son deuxième argument de la cicatrice visible ne me convainc pas. J'ai eu des points à la suite de l'accouchement pour Auguste. Après celui de ma fille, la cicatrice de l'épisiotomie m'a fait souffrir pendant deux mois. Sans une désensibilisation (acte très désagréable pratiqué lors de la rééducation du périnée par des séances d' électrostimulation) la douleur serait restée. Après une mort fœtale in utero encore faut il avoir envie de s'infliger cet acte. Ce n'est pas mon cas alors je sens cette cicatrice. Je ne suis pas de celles qui auraient été traumatisée par une cicatrice qui se verrait en maillot sur la plage. Une sexualité épanouie a bien plus de valeur à mes yeux.

Elle me redit que je la remercierait plus tard. Je verrai bien. Le traumatisme de ces trois jours d'attente à la clinique, le corps de mon fils abîmé par le temps qui passait.. c'est encore trop difficile à entendre pour les médecins.

 

La fausse couche ?

Nous en avons discuté. Contrairement à l'accident d'Auguste que la nature a laissé faire, pour ce coup là, elle a bien joué son rôle : éliminer en début de grossesse un embryon non viable. Ça n'enlève rien au traumatisme mais c'est surtout l'accumulation des événements qui est douloureuse.

 

Suivre ma prochaine grossesse ?

Elle me connaît, elle connaît mon parcours, comment clore plus joliment mon histoire si ce n'est avec un fin heureuse. Elle me décrit le protocole qu'elle suivrait : écho à la huitième semaine (courante après une fausse couche), suivi psy, et sage femme à domicile avec monitorings réguliers les derniers mois.

 

Tout cela me semble virtuel, me projeter pour l'instant, cela m'est impossible mais nous nous quittons sur une sage idée de cette femme que l'on ne peut qu'admirer pour sa démarche envers moi ce jour . Je n'ai pas les mots exacts mais je la quitte plus légère en gardant ceci en mémoire : je ne pourrais jamais me protéger de tout ce qui pourrait arriver à mon bébé mais c'est le jeu et il en vaut la peine car elle a l'intime conviction que je pourrais très bientôt vivre une merveilleuse aventure et accueillir un petit être sans jamais oublier mon fils.

Merci.

 

Dans l'heure qui a suivi, ma gynécologue de ville m'a contactée par téléphone pour prendre de mes nouvelles, des nouvelles de ma fille et de mon conjoint. Elle a reçu ma lettre. Elle m'a rappelé l'importance d'être suivie psychologiquement, et regrettait que mon conjoint ne fasse pas cette démarche personnelle pour m'accompagner au mieux et pour avancer lui aussi. Elle m'a souhaité de vivre de belles choses dans l'avenir et m'a conseillé un spécialiste à l'hôpital si j'envisageais une nouvelle grossesse.

 

 

Rencontre avec la directrice du pôle mère enfant de la clinique :

Cette rencontre a eu lieu trois jours plus tard à la terrasse d'un café de mon quartier. Cette dame aurait souhaité se joindre à nous, trois jours avant, mais je ne regrette pas la séparation des deux rendez-vous. Ce second a complété le premier et sans le premier, je n'aurais peut-être pas eu la force d'affronter ce deuxième.

 

J'avais des questions auxquelles ma gynécologue n'avait pu répondre. J'ai eu mes réponses. Cette ancienne sage femme n'a pas laissé une seule de mes questions sans réponse. Elle a même appelé quelqu'un à la clinique pour me donner les chiffres qui m'intéressaient. Voilà ce que j'ai appris au cours de notre entretien.

 

Dans la clinique, il y a 60 cas par an d'IMG et MFIU. La part des MFIU représente 1/3 de ce chiffre. Notre cas est le moins courant : aucun problème chez le bébé ou chez la mère. Le pur accident. Ces chiffres sont communiqué au réseau régional Matermip.

 

Les praticiens sont libéraux. Aucune formation ne peut leur être imposée dans le cadre de la gestion des cas comme nous.

Un protocole commun les lie mais ils gèrent les rendez-vous de prise en charge à leur manière et leur secrétariat s'occupe de l'envoie des documents selon les modalités indiquées par le médecin.

 

L'unité médico-psychologique de liaison en périnatalité se compose de plusieurs professionnel dont un pédopsychiatre. Jamais le psychologue n'avait fait référence à cette possibilité pour nous alors que nous lui posions toutes ces questions concernant notre fille aînée. Les consultations sont gratuites. C'est une unité qui tourne sur plusieurs établissements et donc qui n'est pas gérée par la clinique mais elle me confirme qu'elle va prendre le temps de discuter avec le psychologue car comme je lui ai dit, je n'ai pas été la seule a être déçue par ses interventions, une autre maman s'étant confiée à moi depuis. Comme elle me le rappelle, bien sûr, tout le monde a le droit d'être mal luné un matin mais il est toujours nécessaire de fournir un retour après une mauvaise expérience car sans cela elle ne peut agir. Dans mon dossier, me dit-elle, était noté notre refus de poursuivre avec ce monsieur mais il n'était pas indiqué la raison.

Après avoir demandé une aide psychologique pendant plusieurs heures le jour de l'annonce, cela ne paraissait bizarre à personne que l'on refuse un troisième entretien avec ce monsieur ? Sur le coup, les sages femmes n'étaient pas étonné de notre réaction. Nous ne devions pas être les premiers avec qui le courant ne passait pas.

 

Elle est désolée de l'enchaînement malencontreux de situations pénibles que nous avions pu vivre au cours de notre séjour dans la clinique. Il y a une majorité de patientes à qui il n'arrive rien de tout ça et d'autres qui ont moins de chance. Nous étions dans ce dernier groupe. Elle a repris mon dossier et s'est interrogée sur chaque étape de notre prise en charge.

 

Par exemple, je suis sortie un samedi : ils vont repenser les conditions d'une sortie dans ce type de cas lors des journées à effectif restreint. Au moins imposer un entretien avec une sage femme pour faire le point, relire les informations du livret avec un rappel clairs des contacts possibles.

 

Sur d'autres points, elle me dit que j'étais dans un état second et que j'ai sûrement pas entendu certaines choses qui m'ont été dites. En effet, en relisant, le livret avec elle, je n'avais pas vu quelques informations que je suis allée cherchée seule sur internet après. Il faut prendre le temps de relire toutes les lignes et poser des questions. Elle s'engage à rajouter tout de même des informations complémentaires comme par exemple la référence d'une histoire pour expliquer l’événement à la fratrie (« Léa n'est pas là Â» qu'une maman via le site m'a fait connaître). Il est vrai que je ne lui ai pas fourni un retour plus tôt. Le formulaire de satisfaction disponible sur internet qui n'était pas adapté à notre cas aurait pu être utilisé comme papier libre pour fournir un retour au dos.

 

Les obsèques ? Encore une fois l'attente de deux mois pour le transfert de notre fils est une exception malheureusement dans l’histoire de la clinique. On a répondu à mon conjoint de prendre la voiture pour faire un tour des pompes funèbres du quartier pour des renseignements lorsque nous avions émis l'hypothèse de nous occuper des obsèques. Choqués tous les deux de cette réponse alors que je pouvais accoucher dans l'heure, nous avions abandonné l'idée. Elle a été choquée d'apprendre ça. Il ont un listing et une brochure d’aide en cas de choix de cette option. Sans informations préalables comment être en mesure de faire un choix à 30 ans ? Elle me confirme le regret des couples en fin de grossesse qui ont pris cette décision pour « régler le problème Â» au plus vite. Je suis en colère d'entendre ça. Nous demandions toujours « et que font les autres ? Â». A cela on nous répondait « c'est personnel , c'est votre choix». Quand ils ont le recul et ce constat en tête comment pouvaient ils nous laisser faire ce choix ? Il font le constat similaire concernant le fait de voir le bébé. Si mon conjoint n'avait pas entendu leur expérience à ce sujet, il aurait regretté toute sa vie de n'avoir que des photos floues et moches de notre fils. Merci à cette sage femme d'avoir partagé son expérience à juste titre. Il n'aurait jamais fait la démarche de prendre Auguste dans ses bras sans ce conseil. Conseiller n'est pas obliger. Elle est sensible à ce sujet et m'apprend qu'elle va insister pour que cette information tirée de l'expérience soit communiquée aux couples endeuillés et que tous les renseignements leur soient fournis pour être à même de prendre une décision.

 

Je ne suis pas représentative de toutes les patientes. Je le comprends bien. Ce que je décris sur mon site et ce que j'aurais voulu obtenir comme prise en charge est personnel. On ne peut pas fournir une réponse systématique aux patientes et aux familles qui traversent cette épreuve. Elle se dit alors prête à insister davantage auprès des équipes sur l’importance d'ouvrir la porte aux adaptations qui colleraient aux désirs de la patiente.

Ainsi au fur et à muser que la conversation avançait, nous touchions du doigt ce qui nous avait gêné à la clinique. Nous avancions sur le point le plus important à mes yeux et elle m'a annoncé sa décision de faire preuve de plus de flexibilité pour la prise en charge de ce type de cas. Être au plus proche des préférences de la patiente. Concernant par exemple la situation de la chambre, la prise en charge après la sortie, l'envoi des courriers.. On ne peut pas proposer un cadre trop figé pensé par un groupe de professionnels de santé (pédiatres, psychiatres..) qui ne sont pas passés par là. Demander à la patience si elle veut être proche des autres mamans pour ne pas se sentir rejetée et ne pas sentir que l'on lui retire son statut de maman ou bien si elle préfère l'isolement, c'est du sur mesure qui rend la prise en charge bien plus humaine. Ce serait un grand pas !

 

 

 

 

 

Du lien social rétabli !

 

Le site prend de l'ampleur et me permet ces petites victoires nécessaire pour garder espoir en la vie et en l'humain. Je tiens à remercier ces deux personnes qui sont venue à ma rencontre. Bravo à elles de vouloir que les choses changent, chacune dans leur domaine. Rome ne s'est pas faite en un jour !

 

Je suis ravie de pouvoir aujourd'hui aussi annoncer que j'arrive à un stade où je commence à pouvoir mettre en relation des mamanges qui en sont à des stades de questionnement similaires et ça, il n'y a pas mieux pour combattre l'isolement.

 

Je suis aussi ravie de rencontrer via le site des personnes pleines de ressources et d'énergie au courage admirable. Une maman m'a parlé de son ainée, nos histoires se ressemblent alors j'en ai parlé à ma fille. Depuis elle ne se sent plus seule dans sa situation, c'est énorme pour elle. Elle souffrait déjà du haut de ses 2 ans et ½ de cette différence en regardant ses copains de crèche. Là, elle a une autre référence et c'est très important.

 

Je peux aussi me réjouir du fait que le site vient de permettre de rétablir le dialogue au sein du groupe de mamans que je commençais à fuir parce que je souffrais de ce silence pesant et de ces conversations vides de sens à mes yeux car l'épreuve que je vivais n'en faisait jamais partie. Ces mamans m'ont toutes écrites. Elles ne pouvait imaginer mon souhait d'en parler et ce malentendu au départ avait créé un malaise qui avait pris de l'ampleur au fil des jours.

 

 

Encore du boulot !

 

Malgré le bonheur que procurent ces petites victoires, je ne peux que continuer de regretter l'absence de médiatisation autour de ce sujet tabou. Seuls deux réponses sont parvenues jusqu'à ma boite mail (Allô Docteur Â» et « Toute une histoire Â») alors que j'ai écrit à de nombreux magazines, journaux et émissions. Il faut faire quelque chose !

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