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Quelques semaines après la naissance,

 

Je suis en effet bien occupée, “débordée et fatiguée comme toutes les mamans mais c'est une bonne fatigue .” Elle avait raison.

 

L'accouchement était vraiment la dernière étape du parcours et je n'ai relâché la pression que lorsqu'on m'a annoncé que c'était un beau bébé et qu'elle a pleuré dans mes bras. Tout l'avant n'était qu'attente interminable où je me répétais qu'il faudrait m'interner si quelque chose devait mal se passer.

 

Ma seconde fille est née le 24 février 2015 vers 16h et elle pesait 2kg 900 et quelques.. Aucune idée du chiffre exact. Ce n'était pas important à mes yeux. Elle allait très bien alors que l'anesthésiste m'avait tant culpabilisée lorsqu'elle avait vu le déclenchement prévu dans le dossier de ma gynécologue.

“Vous voulez mettre sa vie en danger?” ou un truc dans ce genre..

« Pardon ? »

Quel désastre ! Ce rendez-vous m'avait anéantie! Elle avait sous les yeux le bilan de notre histoire et nous reprochait de ne pas pouvoir patienter pour attendre un accouchement naturel.

 

Lorsque ma gynécologue est venue me saluer à mon arrivée à la clinique, c'est une des premières choses qu'elle m'a dites après le “ça y est on y est enfin !”

 

“J'ai vérifié, Madame Machin n'est pas l'anesthésiste de garde aujourd'hui, soyez tranquille!” tant ce rendez-vous avait provoqué une vrai tsunami dans mon esprit. Je remettais en question notre choix de la clinique, mon parcours jusqu'à ce jour et la suite du programme.

 

Elle porte le prénom que je lui avais donné pendant la grossesse lorsque j'avais finalement accepté le fait que c'était une petite fille. Elle serait ma petite victoire sur la vie...

 

Son père et sa sœur en sont fous. Moi la première nuit, j'avais fait mon boulot avec l'accouchement, j'avais livré mon bébé en vie. Je ne voulais plus qu'on me demande quoi que ce soit. Si j'avais pu je serais partie, loin, très loin me reposer. Gilles s'est occupé d'elle et elle n'a pas demandé à téter cette nuit-là, heureusement.

 

Le lendemain, j'ai cherché son regard pour essayer de m'attacher à elle. Elle a été très douée pour ça. J'ai vite fondu.

 

Elle me ressemble physiquement. Elle est brune avec de grands yeux. Brune comme Auguste.

 

Tout s'est bien passé à la maternité mises à part deux ou trois personnes qui nous rappelaient notre dernier séjour là-bas. Deux sages femmes par exemple. L'une m'a accueilli. Elle qui avait été si douce et attentive. C'est elle qui m'a accueillie, montré ma chambre et m'a installée.. Ça m'a refroidie. Ce n'était pas il y a si longtemps finalement. Elle n'a pas changé physiquement. Elle semble tout de même avoir gagné en assurance. Je me laisse guider. Je n'ai pas le choix.

 

L'arrivée de Sage-femme M. qui va certainement m'accoucher avec ma gynécologue marque un tournant dans mon séjour, elle est pleine de vie, comprend ma situation et fait tout pour détendre l'atmosphère sans nier les circonstances qui font que cet accouchement n'est pas exactement un accouchement de routine. Du moins, c'est ce qu'elle me fait penser et j'apprécie son attitude.

 

La salle d'accouchement est grande et lumineuse. On n'en sortira qu'une fois que le bébé sera là. Ce matin, quand une sage femme à 7h30 au téléphone, a dit “veuillez rappeler plus tard, nous n'avons pas de place”, j'étais découragée. Quand ma gynéco a dû rappeler à l'équipe l'importance de mon admission ce matin-là pour qu'elle puisse m'accoucher et qu'on nous a rappelés pour finalement nous dire de venir “ tout de suite” alors que c'est l'heure des bouchons sur la rocade et qu'on est parti en trombe en oubliant la moitié des affaires et qu'on a du faire demi tour, je me disais que cette journée commençait mal..

 

Et puis on a branché la musique, on a commencé le déclenchement en douceur, le jeûne et les premières contractions. L'accueil chaleureux me portait, je me sentais bien, le bébé bougeait beaucoup, le monitoring plusieurs fois ne captait plus les battements de son cœur mais je sentais ses mouvements et je savais qu'on ne me laisserait pas tomber ici si quelque chose se produisait.

 

Les douleurs devenaient très pénibles. Le même anesthésiste , un homme à l'humour ravageur n'a pas pu s’empêcher de me dire que j'avais bien été sage pour la pose de la péridurale et que j'avais donc gagné une promo sur la prochaine. Il ne savait pas combien de fois, je m'étais répété pendant ma grossesse que c'était la dernière !

 

J'ai suivi ensuite les conseils de ma sage femme pour faire progresser le bébé à chaque contraction dans le bassin. Elle me demandait à chaque fois qu'elle venait dans la chambre si je ne sentais pas un poids dans le bassin.

 

Puis elle a percé la poche des eaux et m'a annoncé encore quelques heures avant l'arrivée de mon bébé. Quelques dizaines de minutes après, j'ai senti un POIDS dans le bassin. J'ai demandé à Gilles d'appeler très vite quelqu'un, j'avais peur.

 

Elle est arrivée. En soulevant le draps,elle m'a annoncée : « elle est là ».

 

J'ai craqué, enfin, j'ai éclaté en sanglots. J'avais tant attendu ce moment. Elle a appelé la gynécologue, ma gynécologue, celle qui nous a accompagnés jusqu'à ce jour, celle qui a toujours pris le temps de répondre à mes questions, celle avec qui je pouvais supporter les échographies tant redoutées, celle qui a su doser l'attention et les contrôles sans que le suivi en devienne anxiogène, celle qui avait besoin, je pense, de vivre à nos côtés une belle histoire pour conjurer le sort. Elle est est à l'autre bout du fil  : « C'est pour tout de suite, tout de suite. Il va falloir courir si vous voulez être là. »

 

Avec un très grand sourire plein de bienveillance, la sage femme m'a dit de respirer. La gynécologue est arrivée en courant. Elle est montée sur la table car je n'étais pas en position pour accoucher. On m'a dit de l'attraper et je l'ai entendu crier. Elle était dans mes bras. Elle bougeait. Elle avait les yeux ouverts. Et je pleurais.

 

On lui a fait les soins dans la même salle. Je ne la quittais pas des yeux. On s'occupait de moi mais tout est flou.

 

Je remercie ma gynécologue et je crois qu'elle me confie ne jamais avoir douté de cette fin heureuse. Elle était bien la seule ! A partir de ce moment-là, il allait me falloir du temps, beaucoup de temps pour réaliser ce que cette naissance signifiait, de longues heures même.. La première tétée, les premiers câlins contre ma peau. Autour de moi, tout le monde était ravi.

 

La sage femme me donne le choix : une chambre normale en maternité ou une grande chambre tranquille à l'étage où l'on dérange le moins possible les mamans et où les équipes ne changent pas tout le temps mais qui pendant deux jours est dirigée par la sage femme qui s'était trompée, il y a un an, et qui avait pris mon rythme cardiaque pour celui du bébé.

 

Je suis fatiguée et on me parle de tranquillité. J'ai besoin de ça. Je ne sais pas comment je vais réagir en la revoyant.

 

La rencontre a été difficile. Quelques mots échangés, des excuses et un bienvenu à notre petite crevette. Je ne voulais pas repenser à ça maintenant. Une année qui défile comme ça en accéléré dans ma tête alors que je rentre dans une chambre avec mon bébé. C'est trop. Je vais effondrer. C'est trop. Trop douloureux. J'arrête de réfléchir. Elle ne fait que passer dans ta vie à nouveau. Ne t'attarde pas, ne cherche pas à prolonger les échanges..me dis-je. Depuis, son visage n'est jamais revenu me hanter alors c'était peut-être un mal nécessaire.

 

Le coup de téléphone à ma grande a été formidable. Elle prenait son bain avec ses cousines. J'ai entendu ma sœur et ma maman pleurer. La goût et le son des larmes de joie étaient si délicieux. « A demain ma grande, tu viendras voir ta petite sœur, elle a hâte de te rencontrer ! »Le bain des cousines s'est transformé en vraie fête. Je raccroche en savourant l'instant. Je suis sur un nuage. Je respire pleinement.

 

Un appel à ma mamie restée chez elle à cause de ses récents problèmes de santé qui m'ont inquiétée. Puis un message à tout le monde. Même à ma généraliste ! Elle est née ! J'ai oublié la blague de mauvais goût que je voulais faire en annonçant pour rire que nous avions choisi de l'appeler Augustine pour rappeler à tout le monde qu'il avait existé. Ce n'était pas drôle et ça n'aurait pas eu l'effet escompté. Je suis trop fatiguée pour revendiquer quoi que ce soit.

 

Je suis épuisée.

 

Le lendemain. Une rencontre magique entre les grandes sœurs. Ma grande ne voulait plus quitter sa sœur et pleurait en partant de la maternité mais je savais que c'était normal et que nous allions vite tous nous retrouver à la maison.

 

J'ai demandé une consultation avec un psychologue car je redoutais le départ mais lorsqu'on m'a dit que c'était le même psychologue que la dernière fois, je me suis dit qu'il valait mieux faire sans. Le séjour a été parfait, le personnel attentionné et la grande chambre lumineuse nous permettait d'être à notre aise.

 

Mais la grande me manquait et je voulais rentrer chez moi.

 

Le départ a été très dur. Pourquoi ne rentrer qu'avec elle ? C'était là que j'avais quitté mon fils et je repartais à nouveau sans lui.

 

Puis sont arrivées les angoisses de la perdre, elle. J'ai vraiment éclaté en sanglots au moment où j'ai posé le cosy dans sa chambre, l'ancienne chambre d'Auguste. La fatigue, les hormones, toute cette année qui m'avait abattue... Je ne pouvais pas m'arrêter de pleurer.

 

Il m'a bien fallu deux semaines, des tonnes d'habits roses, plein de câlins et de moments de complicité entre les deux sœurs pour me sentir heureuse.

 

La naissance de ma fille n'a pas réglé les tensions dans notre couple mais elle a rempli un vide douloureux. Elle aucune mon esprit et mon temps. Auguste me manque toujours autant et à chaque fois que je m'occupe d'elle, je me dis que j'aurais tant aimé faire la même chose avec mon fils.

 

 

Le 21 juin 2015,

 

Il y a un an, je manquais de motivation pour aller à la fête de la musique, cette soirée qui célèbre l'arrivée de l'été, symbole de légèreté et de gaieté. Pourtant, j'apprécie d'habitude ce moment sous le signe de la légèreté mais j'étais patraque, barbouillée, fatiguée..

 

Aujourd'hui,je regarde ce petit bijou qui commençait à peine sa vie à l'intérieur de mon ventre ce jour-là et qui me regarde à présent avec de grands yeux plein d'amour.

 

Un an. Je ne voudrais revivre cette année pour rien au monde et pourtant elle m'a offert le plus beau des cadeaux après tant de souffrance.

 

Je me suis brûlée l'index en sortant un plat du four. Je n'ai pas pris le temps de laisser mon doigt suffisamment longtemps sous l'eau. J'ai une marque au niveau de la bague à deux anneaux où était gravé le prénom de mes deux premiers enfants et je ne l'avais pas ce jour-là car je l'avais apportée chez le bijoutier pour y ajouter le nom de la petite dernière de la famille.

 

Je me suis dit que la bague cacherait cette vilaine cicatrice mais lorsque je suis allée la chercher, l'anneau supplémentaire avait rendu la bague plus petite. Je dois donc la porter au majeur, là où je souhaitais initialement la placer mais alors ma cicatrice est bien visible.

 

C'est un peu cela mon histoire. Une cicatrice avec laquelle je vais devoir vivre mais aussi une bonne nouvelle qui est venue rétablir une situation qui n'aurait jamais dû tourner ainsi. Dès le début, j'aurais dû avoir mes deux anneaux. Ceux d'une petite fille et d'un petit garçon. La nature en a voulu autrement. Je ne peux pas enfouir ma peine. Mon cœur est blessé à jamais mais la vie est trop belle et ce petit être tout comme ça sa grande sœur sont là pour me montrer le chemin. Je ne les quitte pas des yeux.

Ils sont mes feux d'artifices, mes papillons dans le ventre, mes frissons de bonheur, mes maîtres zen, mes sourires dans le cœur, mes rayons de lumière, mes étincelles d'amour, mes confettis dans le vent...

 

Le spectacle est si plaisant que lorsque ce creux dans mon ventre me fait souffrir, je l'entends, je l'écoute mais je tente de l'apaiser pour ne pas qu'il prenne trop de place. Il n'aurait certainement pas voulu ça pour sa maman. Surtout un fils. On dit tant que les garçons sont protecteurs avec leur mère, enfin, c'est ce qu'on dit, moi je n'en sais rien...

 

 

 

 

 

 

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